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Plaidoyer pour une philanthropie éclairée

Silvia Steisel - Managing Director of Degroof Petercam Foundation
« Philanthropie » signifie l’amour de l’Humanité avec le souci d’améliorer la condition humaine (et plus récemment de l’environnement). Il y a donc un souhait de résultat, de progression, de résolution d’un problème.
« Savoir à qui il faut donner, combien, quand, pour quelle fin et de quelle manière, voilà qui n'est pas à la portée de tout le monde et qui est difficile. Aussi le bon emploi de l'argent est-il rare, autant que louable et beau. »¹

Des mots d’Aristote de 2400 ans qui résonnent chaque jour à la Fondation Degroof Petercam. Les moyens philanthropiques sont précieux et les problématiques à traiter nombreuses. Comment dès lors viser juste en donnant bien ?

Philanthropie stratégique

A travers le don, que voulons-nous donc résoudre ? Et comment ? C’est là qu’entre en jeu la philanthropie stratégique.
  • En 2016, la Fondation Degroof Petercam décida de passer d’un modèle de philanthropie réactive, à une philanthropie dite « stratégique » où les dons sont le moyen de la résolution d’un défi sociétal identifié. Elle choisit l’emploi comme sujet et lance le DPF Award soutenant 1 organisation par an œuvrant pour l’emploi à hauteur d’un million d’euros et un soutien sur 5 ans.
  • Fin 2023, elle boucla son premier cycle de soutien au premier lauréat : l’association DUO for a JOB qui fut retenue pour ses résultats excellents dans la mise à l’emploi de jeunes issus de l’immigration.

Quels apprentissages ?

Ces années ont été une source d’apprentissage et une leçon d’humilité immense, grâce à la proximité avec les organisations de terrain que nous avons la chance de côtoyer. Voici quelques-uns de ces apprentissages :
  • Comment faire advenir le changement ? La philanthropie est souvent qualifiée de « soft power ». Ce pouvoir se base sur une formule assez simple : de l’argent et des personnes organisées. Si vous voulez du changement, trouvez les bonnes personnes, permettez-leur d’être très bien organisées et mettez-leur les ressources financières nécessaires à cela. Une fondation est, en somme, comparable à un état-major qui lancerait une équipe d’élite à l’assaut d’un problème très complexe. Il faut permettre aux organisations de trouver, garder et former les meilleurs talents.
  • Il est possible d’augmenter la valeur de son don. Par exemple en donnant plusieurs années de suite ; de leurs propres aveux, certaines organisations sont contraintes de dédier 20% de leur budget à la collecte de fonds. Démonstration : si vous donnez 100 en année 1, votre don servira pour 20 à la recherche des dons de l’année 2. Si vous décidez de donner sur 3 ans, vous augmentez la valeur de votre don de 20x2 années d’économies de fundraising réalisées.
Le raisonnement se prolonge si le donateur décide de donner plus, à la hauteur de ses meilleures capacités. Le coût d’acquisition est le même, qu’il s’agisse d’un grand ou petit donateur. Ainsi, chercher et gérer 2 donateurs qui donneront 100 aura un coût moindre que 4 donateurs à 50. Un donateur professionnel comme une fondation peut, en concentrant plus de moyens dans une organisation, réduire ces coûts d’acquisition significativement.

La gestion des exigences des donateurs, à travers la rédaction de rapports détaillant les utilisations précises des dons, pèse financièrement. L’association Chemins d’avenirs ² a une équipe de 3 personnes dédiées aux 54 conventions de partenariat en cours. Donc, augmenter la valeur de son don en limitant le reporting (ou en s’alignant sur l’existant) est une manière simple d’y parvenir.
  • Faire preuve de transparence est nécessaire du côté des associations, mais elle peut aussi être équilibrée par plus de confiance du côté des donateurs. Le financeur peut lui apporter un espace de réflexion, l’aider à prendre du recul, partager des observations, mais il y a une certitude : c’est du terrain que vient l’expertise. Partager un café avec ceux qui y sont tous les jours apportera bien plus de transparence que n’importe quel tableau Excel. C’est aussi grâce au fait de travailler avec un nombre restreint d’associations qui permet le temps de se connaître et de se comprendre.
  • La philanthropie est du capital risque : il sert à aller là où d’autres ne vont pas (encore). Les défis auxquels s’adresse la philanthropie sont colossaux. Comment avec des moyens - relativement minuscules - peut-on aborder ces problèmes ? La tendance est parfois d’approcher la philanthropie « en bon père de famille ». Certes. Mais être conservateur ou trop prudent n’est peut-être pas la meilleure carte à jouer du philanthrope. Si David s’était trouvé dans une situation de « bon père de famille » face à Goliath, il aurait échoué. Au contraire, fin stratège, il a saisi le moyen qu’il avait à sa disposition, - une petite pierre - et à force d’intelligence a réussi à faire tomber Goliath par sa connaissance du point faible de son gigantesque ennemi. Le philanthrope, même si ses moyens peuvent paraître dérisoires, en visant bien, peut y arriver. C’est le principe même de la philanthropie stratégique.
Le risque est inhérent à la philanthropie car elle sert à financer des visionnaires, des innovations, des manquements dans le système car justement jugés trop risqués, pas assez rentables financièrement ou électoralement. Il y a des chances que les projets ne fonctionnent pas. Et si c’est le cas, c’est que le philanthrope est à sa place. Il n’y pas de succès philanthropiques à court terme. C’est cette difficulté qui fait aussi le privilège de la philanthropie : celui du temps long, de la capacité à sortir la tête du brouhaha médiatique constant et de réfléchir à ce qui importe vraiment.

Voir loin

La tradition occidentale fait remonter la figure du philanthrope pour la première fois en la personne de Prométhée, ce titan qui déroba le feu de l’Olympe pour le donner aux hommes dont il souhaitait le salut face à la cruauté des dieux. Un acte visionnaire qui le fit passer pour un insensé et le mena à la torture.

Que la philanthropie puisse continuer à suivre cette voie de l’audace et de la confiance et proposons pour devise du philanthrope éclairé ce que signifie le nom Prométhée : “celui qui voit loin”.
¹ Aristote, Ethique à Nicomaque, Livre 2, Chapitre 9.
² Lauréate 2023 du Degroof Petercam Foundation Award.
La fondation Degroof Petercam partage avec les clients de la Banque Degroof Petercam ses expériences et apprentissages en philanthropie de terrain. Découvrez-la.
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