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La réforme des droits d’enregistrement des donations en Wallonie

La réforme des droits d’enregistrement des donations en Wallonie

Clara Crevecoeur - Estate Planner
Pour lutter plus efficacement contre certaines pratiques destinées à échapper à l’impôt, le législateur wallon a récemment adopté des mesures pour « un impôt plus juste » notamment en matière de droits de succession. L’un des objectifs du nouveau décret est d’encourager l’enregistrement des donations mobilières. Qu’est-ce que cela signifie concrètement pour vous ?

Nous abordons ci-dessous
quelques nouveautés fiscales en vigueur dès 2022 en Région wallonne
dans le domaine de la fiscalité successorale des donations.

Donation mobilière non enregistrée : la période à risque passe de 3 à 5 ans

Jusqu’à présent

À côté de la donation mobilière notariée qui est obligatoirement enregistrable en Belgique¹, il existe d’autres formes de donations mobilières (avoirs bancaires, œuvres d’art, bijoux …) non obligatoirement soumises à la formalité de l’enregistrement. Pour ces donations mobilières non notariées - dont la donation bancaire est un exemple - les parties sont donc libres d’enregistrer ou non la donation et, par conséquent, de payer ou non les droits de donation. En Région wallonne, les droits de donation mobilière s’élèvent à 3,3% (entre parent - enfant et entre conjoints et cohabitants légaux) et 5,5% (entre toutes autres personnes).
Les conséquences fiscales selon qu’on enregistre ou non une donation mobilière non notariée sont bien évidemment différentes :
  • Lorsque les parties décident de présenter volontairement la donation mobilière non notariée à l’enregistrement, la donation est soumise aux droits de donation mobilière : 3,3% ou 5,5% suivant le lien de parenté entre le donateur et le donataire. Une fois la donation enregistrée, les biens donnés « échappent » aux droits de succession lors du décès du donateur.
  • Lorsque les parties décident, au contraire, de ne pas enregistrer la donation, elles s’exposent à un risque fiscal de devoir payer des droits de succession sur les biens donnés en cas de décès du donateur au cours - jusqu’à présent - des trois années qui suivent la donation.
  • En effet, si le donateur décède dans les trois ans qui suivent la donation mobilière (non enregistrée), les biens donnés réintégreront (fictivement) son patrimoine successoral et le bénéficiaire de la donation² devra payer des droits de succession (soit jusqu’à 30% pour une succession en ligne directe). Si, par contre, le donateur décède plus de trois ans après la donation, aucun impôt ne sera dû.

Depuis le 1er janvier 2022

Ce délai de trois ans est passé à cinq ans pour les donations effectuées à partir du 1er janvier 2022. Autrement dit, pour les donations antérieures au 1er janvier 2022, le délai de trois ans reste d’application.

Précisions utiles

L’allongement du délai de trois à cinq ans est en vigueur en Région wallonne. En Flandre et à Bruxelles, le délai reste de trois ans.
Or, en matière de droits de succession, c’est en principe la région du domicilie du défunt au jour du décès qui est compétente pour prélever les droits de succession. Si toutefois, le défunt a eu son domicile dans différentes régions (ou même en dehors de la Belgique) au cours des cinq années qui précèdent le décès, la région compétente pour prélever les droits de succession est celle dans laquelle il a été domicilié le plus longtemps au cours de cette période de cinq ans avant le décès.
Ceux qui souhaitent s’établir à Bruxelles ou en Flandre pour éviter ce nouveau délai de cinq ans garderont par conséquent à l’esprit que la Région wallonne sera compétente sur le plan fiscal si le défunt y avait établi son domicile le plus longtemps au cours des cinq années qui ont précédé le décès.
Les parties ont par ailleurs toujours la possibilité d’enregistrer la donation au cours de cette période « à risque » (par définition avant le décès du donateur) afin de supprimer le risque de taxation en droits de succession.

En pratique ?

  • Vous êtes résident wallon, avez effectué une donation bancaire (d’argent ou d’un portefeuille-titres par exemple) et avez enregistré volontairement la donation. Dans ce cas, vous n’êtes pas impacté par le changement législatif. Une fois la donation enregistrée, les biens donnés sont définitivement sortis de votre patrimoine successoral imposable.
  • Vous êtes résident wallon et avez effectué une donation notariée devant un notaire établi à l’étranger (aux Pays-Bas par exemple) le 10 novembre 2020 et n’avez pas enregistré volontairement la donation depuis lors. Dans un tel cas, vous n’êtes pas concerné par le nouveau décret wallon. La donation reste soumise à l’ancien délai de trois ans.
  • Vous êtes résident wallon, avez effectué une donation bancaire le 22 décembre 2021 sans enregistrer la donation. Dans un tel cas, vous n’êtes pas davantage concerné par le changement législatif. La donation reste soumise à l’ancien délai de trois ans.
  • Enfin, vous êtes résident wallon, avez effectué une donation bancaire le 10 janvier 2022 sans enregistrer la donation. Dans un tel cas, vous êtes concerné par l’allongement du délai de trois à cinq ans. La donation est soumise au nouveau délai de cinq ans.

Donation mobilière à terme

De quoi s’agit-il ?

Une donation peut être assortie d’un terme c’est-à-dire : un évènement futur et certain quant à sa survenance mais potentiellement incertain quant au moment de sa survenance (par exemple le décès du donateur). Ce terme a pour effet de suspendre l’exécution de la donation qui est d’ores et déjà définitive et irrévocable. Autrement dit, la donation est définitive dès la signature de l’acte de donation mais ne prendra effet qu’au moment de l’arrivée du terme défini, dans le cas visé : le décès du donateur. Ainsi, en cas de donation à terme de décès (celui du donateur), le décès futur du donateur est bien un évènement futur et certain dont la date est encore inconnue. Le bénéficiaire n’entrera donc en possession des biens donnés que lors de l’arrivée du terme, à savoir : au décès du donateur.

Quelles conséquences sur le plan fiscal ?

Jusqu’à présent

En Région wallonne, les donations mobilières affectées d’un terme suspensif de décès n’étaient jusqu’à présent pas soumises à des droits de succession si elles avaient été enregistrées ou si le délai de trois ans (période à risque) était échu au jour du décès du donateur. Toutefois, leur traitement fiscal au décès du donateur soulevait des difficultés. Notons également qu’en cas d’enregistrement de telles donations, le tarif réduit de 3,3% ou 5,5% (en fonction du lien de parenté entre donateur et donataire) était applicable.

À partir du 1er janvier 2022

L’entrée en vigueur du nouveau décret wallon sonne la fin de la possibilité de recourir à une donation mobilière réalisée sous un terme suspensif qui survient à la suite du décès du donateur sans devoir payer de droits de succession. En effet, depuis le 1er janvier 2022, ce type de donation mobilière est assimilée à un legs en faveur du bénéficiaire de la donation. Concrètement, cela signifie qu’au décès du donateur (à l’arrivée du terme), des droits de succession seront dorénavant nécessairement dus. En parallèle, ces donations mobilières ne peuvent plus bénéficier du tarif réduit de 3,3% ou 5,5%.

Assurance-vie

Le décret wallon a également pour but de réformer le régime de taxation des contrats d’assurance-vie. Nous abordons ci-dessous deux cas concrets à titre d’exemples.

Donation du contrat d’assurance-vie

Il arrive fréquemment qu’une personne souscrive un contrat d’assurance vie sur sa propre tête au bénéfice d’un tiers, ce qui rend en principe le dénouement du contrat d’assurance en cas de décès taxable en droits de succession. L’exemple type est celui d’un parent « A » qui intervient comme preneur et tête assurée tandis que l’enfant « B » est le bénéficiaire en cas de décès.

Exemple de structure : Preneur – A ; Tête assurée – A ; Bénéficiaire – B
(contrat A - A - B)

Pour éviter le paiement de droits de succession, plutôt que de racheter la police et de donner une somme d'argent, certains parents préfèrent procéder à une donation du contrat d’assurance-vie. Dans ce cas, la donation du contrat d’assurance s’opère par la cession à titre gratuit des droits du preneur d’assurance au profit de l’enfant (donataire)³. Au terme de la donation, le donataire (enfant) devient le (nouveau) preneur d’assurance tandis que le preneur initial (parent donateur) demeure la tête assurée. À noter que pour une cession à titre de donation des droits du preneur, la forme notariée est en principe requise et que la plupart des compagnies d’assurance exigent qu’il soit, dans ce cas, procédé par la voie d’une donation notariée.
Nouvelle structure suite à la donation : Preneur - B ; Tête assurée - A ; Bénéficiaire – B
(contrat B - A - B)

Jusqu’à présent, dans une telle configuration, lorsque le preneur (initial) d’assurance décède, le capital décès n’était pas soumis aux droits de succession pour autant que la donation ait été enregistréeou que la donation date de plus de trois ans (et dorénavant cinq ans) avant le décès du preneur-donateur.
Dorénavant, à l’instar du législateur flamand, le décret wallon considère que, dans une telle situation, des droits de succession seront dus sur la totalité de la prestation d’assurance. Il est toutefois prévu, pour l’hypothèse où la donation du contrat a été soumise aux droits de donation mobilière (3,3% ou 5,5%), que le capital (décès) qui sera soumis aux droits de succession lors du décès du donateur, devra être préalablement diminué du montant sur lequel les droits de donation ont été perçus à l'occasion de l'enregistrement de la donation du contrat d'assurance⁵. Par conséquent, si la valeur de rachat du contrat d’assurance-vie a augmenté entre le jour de la donation et celui du décès du donateur, seul l’accroissement de valeur de l’assurance-vie entre la donation et le décès de l’assuré-donateur sera soumis aux droits de succession. Cela réduit l’intérêt du contrat d’assurance-vie en tant qu’instrument de planification successorale.

Contrat d’assurance-vie avec plusieurs preneurs / assurés

Un contrat d’assurance-vie comporte plusieurs « preneurs » d’assurance lorsque plusieurs personnes l’ont souscrit. Dans ce cas, ces preneurs exercent, en principe, conjointement les droits relatifs au contrat. Un contrat peut également comporter plusieurs « assurés ». Dans ce cas, il sera généralement (mais pas toujours) prévu que le contrat se dénoue seulement au décès du dernier assuré. Parallèlement, il sera aussi généralement prévu que le preneur survivant peut, après le décès de l’autre preneur, continuer à exercer seul les droits relatifs au contrat d’assurance-vie (par exemple pour exercer le droit au rachat et prélever des actifs dans le contrat).
Un cas souvent rencontré en pratique est celui de deux époux qui co-souscrivent, un contrat d’assurance vie sur leurs deux têtes en prévoyant que le dénouement du contrat interviendra au moment du décès du dernier époux et en prévoyant que le survivant pourra continuer seul à disposer du contrat.
Exemple de structure : Preneurs : A et B ; Assurés : A et B ; Bénéficiaires au décès de A et B : C
Jusqu’à présent, le sort fiscal de ce type de contrat d’assurance au décès d’un des époux était controversé.
Dorénavant, le législateur wallon pose le principe que les droits de succession ne seront pas dus au premier décès dès lors que, par hypothèse, aucune prestation d’assurance n’est payable au premier décès. Les droits de succession seront toutefois dus lors d’un éventuel rachat pratiqué par le preneur (conjoint) survivant ou au plus tard lors du dénouement du contrat au décès du dernier preneur d’assurance.
Notons qu’en tout état de cause, une analyse au cas par cas devra être réalisée par nos experts de notre département Estate Planning.
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¹ Depuis le 15 décembre 2020, tout acte notarié reçu par un notaire étranger, qui porte sur une donation mobilière, doit être enregistré en Belgique.
² Ou les héritiers du donateur si le donataire n’est pas identifié.
³ Sur le plan formel, la cession de tout ou partie des droits résultant du contrat d’assurance ne peut s’opérer que par avenant signé par le cédant (preneur), le cessionnaire (tiers bénéficiaire) et l’assureur.
⁴ Ce qui est dorénavant - depuis le 15 décembre 2020 – nécessairement le cas pour toute donation mobilière reçue par acte notarié (en Belgique ou à l’étranger).
⁵ Si la donation a été réalisée en faveur du bénéficiaire des prestations d’assurance au décès.
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