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Biens immobiliers situés à l’étranger : précisions administratives

Jérémy Gackiere - Senior Estate Planner – Segment belgo-français
L’imposition des revenus des biens immobiliers situés à l’étranger est source de contentieux depuis de nombreuses années en Belgique. Bien que généralement exonérés en vertu des Traités préventifs de double imposition, ces revenus (des loyers par exemple) perçus par un résident fiscal belge doivent faire l’objet d’une déclaration en Belgique afin que l’administration les prenne en considération pour déterminer le taux progressif d’imposition des contribuables (« réserve de progressivité »), c’est-à-dire le taux applicable aux autres revenus imposables au barème de l’impôt des personnes physiques.
Suite à une récente condamnation de l’État belge par la Cour de justice de l’Union européenne, le Gouvernement a souhaité modifier le traitement fiscal des revenus immobiliers de source étrangère afin de se conformer à la législation européenne (concernant la libre circulation des capitaux). Ces modifications devraient en principe entrer en vigueur pour la déclaration fiscale de 2022 (revenus de 2021).

La belgique condamnée pour une différence de traitement

Jusqu’à récemment, l’administration fiscale appliquait un traitement fiscal différent aux revenus immobiliers situés à l’étranger de ceux de source belge.
  • En effet, les biens immobiliers (bâtis) situés en Belgique font en principe l’objet d’une imposition selon un revenu cadastral indexé majoré de 40 %, qu’ils fassent l’objet de locations ou non. A contrario, les revenus des biens immobiliers loués dans le cadre d’une activité professionnelle sont taxables sur les revenus réels, le premier régime étant nettement plus favorable.
  • À l’inverse, les biens immobiliers situés à l’étranger étaient bien imposés selon un revenu cadastral local en l’absence de location, mais faisaient l’objet d’une imposition selon le montant des loyers réellement perçus en cas de location. Dans ces deux cas de figure, le revenu était diminué des impôts prélevés à l’étranger et d’un forfait censé représenter les coûts.
À ce titre, la Belgique a déjà été condamnée par la Cour de justice de l’Union européenne1 pour manquement au principe de libre circulation des capitaux2 , puis a été mise en demeure par la Commission fin 2018. À défaut de mise en conformité par l’État belge, la Commission a rendu un arrêt pour manquement d’Etat le 12 novembre 2020 condamnant ainsi le Royaume au paiement d’une somme forfaitaire de 2.000.000 euros et d’une astreinte de 7.500 euros par jour de retard dans l’exécution de l’arrêt susmentionné.
Suite à cette condamnation, le gouvernement n’a pas tardé à prendre des mesures afin de se conformer à cette jurisprudence européenne. Ainsi la loi du 17 février 2021 a été publiée le 25 février 2021 dans le Moniteur Belge.
L’administration fiscale a en outre publié une circulaire en la matière le 1er mars dernier, qui a apporté des précisions sur certaines incertitudes résultant de la nouvelle loi (2021/C/21).

Quelles sont les nouvelles règles d’imposition des revenus immobiliers de source étrangère ?

La solution retenue3 consiste à attribuer un revenu cadastral selon les règles belges aux biens immobiliers situés à l’étranger – comme c’est le cas pour les biens immobiliers situés en Belgique - qu’ils fassent l’objet de locations ou non. Pour rappel, en Belgique, le revenu cadastral est le revenu annuel net moyen qu’un immeuble est supposé générer à la date du 1er janvier 1975 (c'est-à-dire la date de référence).
Le législateur a donc eu pour objectif d’appliquer ce principe aux revenus immobiliers de source étrangère. Il convient cependant de distinguer deux situations :
  • Connaissance de la valeur vénale du bien au 1er janvier 1975 mais absence de connaissance de sa valeur cadastrale :
L’administration appliquera un taux de 5,3 % sur la valeur vénale du bien à la date du 1er janvier 1975.
Exemple : un contribuable ayant acquis un bien immobilier le 1er janvier 1975 pour l’équivalent de 300.000 € (valorisé désormais 2.000.000 €) aurait un revenu cadastral de 15.900 € (= 300.000 € x 5,3 %). En pratique, cette valeur vénale au 1er janvier 1975 ne sera généralement pas disponible, de sorte que cette méthode ne sera pas souvent applicable.
  • Méconnaissance de la valeur vénale du bien au 1er janvier 1975 :
Il s’agit de la nouvelle méthode instaurée par le Gouvernement et qui sera appliquée le plus souvent. Il convient désormais de se baser sur la valeur vénale normale actuelle sur laquelle un facteur de correction (calculé sur la base du taux applicable pour les obligations linéaires à 10 ans tel que publié par la Banque nationale de Belgique) devra être appliqué par année. Cela permet de déterminer une valeur vénale à la date du 1er janvier 1975.
À titre d’exemple, il sera de 15,036 pour l’année 2020 (exercice d’imposition 2021). Ce facteur de correction sera publié annuellement par le Service public fédéral Finances.
A noter que le texte légal parle de l’application d’un facteur de correction sans préciser comment ce facteur doit être appliqué : division ? pourcentage ?
Ceci a pu donner lieu à des divergences d’interprétations, entre-temps résolues par la circulaire du 1er mars 2021 dont il résulte clairement que la formule est la suivante :
(Valeur vénale normale actuelle / facteur de correction) x 5,3 %
Exemple : Un bien immobilier acquis au 1er janvier 2020 pour un coût total de 1.000.000 € devrait donc avoir un revenu cadastral calculé de la manière suivante : (1.000.000 € / 15,036 ) X 5,3 % = 3.524,87 €.
La nouvelle méthode en schéma :
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Dans l’hypothèse où le contribuable ne serait pas en mesure de communiquer la valeur vénale actuelle, il serait possible d’appliquer un facteur de correction à partir du prix d’acquisition connu depuis 1975 (prix stipulé dans l’acte d’acquisition ou acte de donation et succession). La circulaire a listé les facteurs de correction depuis 1975 :
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Enfin, il est précisé que la loi ne permet plus d’imputer les impôts dus à l’étranger sur ces mêmes biens sur la valeur cadastrale calculée en Belgique et que la majoration de 40 % reste due pour les biens immobiliers bâtis.
Concernant les terrains non-bâtis, le revenu cadastral est de 2 euros par hectare.

Les nouvelles obligations déclaratives des contribuables : une déclaration spontanée

Afin que l’administration générale de la Documentation patrimoniale (anciennement le Cadastre) soit en mesure de calculer une valeur cadastrale, les contribuables doivent désormais effectuer une déclaration spontanée indiquant la valeur vénale des biens immobiliers situés à l’étranger dans les quatre mois de leur acquisition. Les contribuables devront entre autres mentionner les données suivantes : une brève description du bien immobilier, le pays où le bien est détenu, l’adresse, la valeur de vente actuelle, ou si cette valeur est inconnue, la date et le prix d’acquisition ainsi que les coûts éventuellement engendrés par des travaux éventuellement effectués. S’il y a une contradiction entre les données disponibles, des informations complémentaires pourront être demandées, telles qu’entre autres une copie de l’acte d’achat. Cette obligation vaut pour toute acquisition ou aliénation d’un bien immobilier à l’étranger tant pour le droit de propriété que pour le droit réel (par exemple l’usufruit).
Les contribuables propriétaires d’un bien immobilier situé à l’étranger acquis au cours de l’année 2020 auront jusqu’au 31 décembre 2021 pour communiquer cette information à l’administration.
Cette déclaration pourra se faire directement via « www.myminfin.be » à partir du mois de juin ou encore par mail (foreigncad@minfin.fed.be) ou par voie postale (Administration Mesures et Evaluations – Cellule RC étranger – Boulevard du roi Albert II 33, bte 55 – 1030 Bruxelles).
À noter également que les non-résidents devenus « Habitants du Royaume » disposent d’un délai de 30 jours pour communiquer ces valeurs à l’administration fiscale.
Enfin, les contribuables propriétaires de biens immobiliers situés à l’étranger acquis avant le 1er janvier 2020 seront, quant à eux, contactés directement par l’administration.
La détermination du revenu cadastral de biens immobiliers situés à l’étranger prendra un certain temps. La circulaire précise que ces revenus cadastraux seront disponibles à partir du 1er mars 2022.
Concernant la déclaration à l’impôt des personnes physiques, il sera désormais nécessaire de déclarer le revenu cadastral sous le code 1106 lorsque le bien n’est pas loué ou donné à bail à une personne non professionnelle et sous le code 1109 lorsque le bien est donné à bail à un professionnel.
Il est précisé que les détenteurs d’un bien immobilier situé à l’étranger au travers d’une société belge ne seront pas tenus par cette obligation. En effet, cette nouvelle loi vise uniquement les personnes physiques, certains fondateurs de constructions juridiques soumises à la taxe Caïman et certaines personnes morales assujetties à l’impôt des personnes morales telles que les ASBL, soumises à l’impôt des personnes physiques.

Portée et sanctions

La portée de cette réforme est relativement limitée dans la mesure où ces revenus immobiliers de source étrangère sont généralement exonérés en Belgique par le biais des Conventions fiscales applicables en matière d’impôt direct.
Toutefois, la prise en compte d’un revenu cadastral fictif devrait tout de même être plus favorable aux résidents belges dont les biens immobiliers situés à l’étranger font l’objet de locations. En effet, le revenu castral devrait être inférieur au montant des loyers réels. Cela impliquerait donc de diminuer le taux effectif applicable aux autres revenus imposables au barème de l’impôt des personnes physiques tels que les salaires et les pensions.
Enfin, il est précisé que la loi prévoit de nouvelles sanctions administratives s’élevant de 250 euros à 3.000 euros en cas de défaut de déclaration de ces valeurs.
Nous restons à votre entière disposition pour toutes questions complémentaires.
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