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Les fondations bancaires : un moteur économique et social puissant

Silvia Steisel - Managing Director of Degroof Petercam Foundation
Marie Melikov - Senior Program Manager of Degroof Petercam Foundation
Ce cinquième volet de notre série “Finance & Fondations” propose d’aborder un type de fondation unique en Europe : la fondation bancaire. Créées à la suite de la privatisation et la consolidation du secteur bancaire en Italie (et en Autriche) au début des années 1990, ces fondations se distinguent par leur histoire et leur rôle particulier dans le développement économique et social des régions d’où elles sont issues.

Des exemples notables sont la Fondazione Cariplo (la plus grande), la Fondazione CRT en Italie, ou encore la Erste Foundation en Autriche.

I. Origine et création des fondations issues de banques

Les fondations issues de banques trouvent leur origine dans la transformation d'institutions financières en organismes philanthropiques. Au début du vingtième siècle, les banques et caisses d’épargne dans de nombreux pays étaient établies en organisations à but non lucratif avec pour mission de collecter l’épargne, offrir du crédit et de redistribuer les profits à des fins philanthropiques dans le maillage local. À la suite de la réforme législative de 1990, ladite “Loi Amato”, qui visait à rationaliser le secteur bancaire italien et à favoriser la fusion de plusieurs caisses d'épargne régionales, celles-ci furent scindées d’une part en banques commerciales et d’autre part en fondations d’utilité publique, héritières de leur mission au service du développement territorial. Ces fondations furent dotées des actions des nouvelles banques ainsi créées, contrôle qu’elles cédèrent petit à petit pour constituer et diversifier leur capital désormais autonome. Aujourd'hui, 80 % des 86 de ces fondations ne détiennent pas plus de 5 % dans la banque parente. Leur capital total est estimé à 47 milliards d’euros en 2022, distribuant près d’un milliard de dons à 21 000 organisations cette année-là.

II. Spécificités

Les fondations bancaires ont la spécificité de jouer un double rôle :
  • Fondations actionnaires aujourd’hui minoritaires pour la majorité d’entre elles. Elles ont donc toujours un rôle de gouvernance dans l’ancrage local des banques concernées.
  • Fondations distributrices en utilisant leurs revenus à des fins philanthropiques orientés vers le développement économique durable, l’action sociale et culturelle. Elles sont ainsi devenues des exemples d’agents de développement territorial.
Elles suivent en outre des principes de gouvernance et des statuts particuliers encadrant leur gestion financière : opter pour une gestion patrimoniale prudente permettant de préserver l’intégrité du capital, des critères ESG stricts et des investissements alignés avec leur mission comme le microcrédit. Elles gèrent en outre un taux d’endettement plafonné à 10 %, une interdiction d’investir dans des produits dérivés, une limite fixée à 30 % du capital dans un groupe ou société individuelle (d’où la cession de parts dans les banques commerciales lors de leur constitution) et un maximum de 15 % dans l’immobilier (hors immobilier d'intérêt général). Elles appliquent également des règles strictes en vue de stabiliser des revenus à long terme normés et adossés à un fonds de réserve solide et suiventun principe de gouvernance rotative.

Bien que les fondations bancaires soient une minorité en Europe, avec près de 90 fondations existantes, elles sont cependant devenues incontournables par les montants qu’elles représentent et leur modèle de philanthropie de proximité. La Fondazione Cariplo, la plus grande d’Italie, possède un capital d’une valeur de près de 8 milliards d’euros, distribuant en moyenne 150 millions d’euros par an. En Italie, il est intéressant aussi de voir que les disparités régionales sont importantes avec le Nord plus riche en fondations et le Sud où elles sont quasi absentes. Comme ces fondations permettent la vitalité du tiers-secteur local, son absence dans les régions les plus pauvres posait un problème sociétal. Les fondations bancaires du Nord ont donc décidé de mutualiser des ressources pour créer “la Fondation avec le Sud” qui finance exclusivement le développement social de ces régions. Un modèle de coopération entre régions solidaire ayant un impact sur la cohésion nationale. Par exemple, cette fondation travaille à réduire les inégalités scolaires entre les régions, permettant ainsi d’améliorer la moyenne nationale.

En conclusion

Au-delà du caractère unique de leur histoire, les fondations bancaires peuvent inspirer par leur double modèle de gouvernance et de distribution tournée vers l’ancrage local. Elles rejoignent en cela les modèles de fondations actionnaires que l’on retrouve dans les pays scandinaves. Leur évolution d’une activité de “charité” vers le rôle d’agent de développement local démontre également un impact intéressant : les régions qui bénéficient d’un acteur tel que ceux-ci témoignent du dynamisme de leur économie sociale et culturelle. Cela avec la garantie d’un financeur philanthropique majeur présent à perpétuité, maillon essentiel entre les secteurs privé et public pour adresser des dysfonctionnements sociétaux, catalyser des ressources, investir dans l’innovation sociale, l’environnement et la culture. Du point de vue de leur histoire, elles rappellent l’origine du rôle philanthropique de l’épargne et de l’accès au crédit dans le développement territorial. Pour les régions qui ont la chance de connaître un tel acteur de proximité, c’est une aubaine et une fierté, comme l’affirment les communautés locales.

La Fondation Degroof Petercam s’intéresse aux initiatives et innovations sociales locales partout dans l’Union européenne. Dans le cadre de son programme DPF Award et afin d’identifier les meilleures innovations sociales pour l’emploi, la fondation travaille en relais avec plusieurs fondations exemplaires dans leur action territoriale. Plusieurs fondations bancaires font ainsi partie de ces “prescripteurs” pour l’Italie.

Pour plus d’infos sur notre Fondation et notre stratégie financière, veuillez trouver notre rapport d’activité 2022.

Pour sa participation à la rédaction de cet article, nous tenons à remercier le professeur Gian Paolo Barbetta de l’Université Catholique de Milan et directeur du Evaluation Lab de la Fondazione Social Venture.
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