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Marie Melikov & Silvia Steisel

Comment une organisation sans but lucratif peut-elle construire sa stratégie de levée de fonds ?

Marie Melikov - Senior Program Manager of Degroof Petercam Foundation
Silvia Steisel - Managing Director of Degroof Petercam Foundation
L’argent est le nerf de guerre. Les associations le savent bien, elles qui passent près de 20 % de leur temps à rechercher des fonds pour financer leurs actions de terrain. La mise en place d’une stratégie de levée de fonds est donc essentielle pour les organisations sans but lucratif, la diversification des sources de financement permettant de réduire le risque financier, mais aussi d’aborder des interlocuteurs différents.

Quelle est la cause défendue ?

La cause poursuivie va avoir un impact sur le type de donateurs (publiques, particuliers, institutionnels tels que des fondations) et par conséquent sur la stratégie de levée de fonds à mettre en place. Dix modèles de levée de fonds ont ainsi été recensés dans un article de la Stanford Social Innovation Review¹.
  • Par exemple, les associations qui portent des projets qui résonnent pour un grand nombre de personnes (comme la recherche contre le cancer) ont la possibilité de lever de fonds auprès de nombreux particuliers tout type de revenus confondus. Pour des organisations de ce type, des investissements en priorité sur des postes de communication et marketing « grand public » pour organiser notamment de grandes manifestations publiques sont d’excellents leviers de financement. Au Luxembourg, le Relais pour la Vie, une course solidaire de 24H00 par équipe a ainsi permis de récolter près de 800 000 euros en un week-end.
  • Une organisation qui offre un service personnel à un bénéficiaire avec un impact direct important pourra activer le sentiment de reconnaissance et miser plutôt sur une stratégie de levée de fonds auprès des bénéficiaires de type « alumni ». L’organisation investira dans ce cas dans un suivi personnalisé, un sentiment d’appartenance par le biais d’événements exclusifs, communiquer les réussites de ses bénéficiaires, entretenir le réseau. C’est le modèle de financement souvent choisi par les grandes universités.
  • Une organisation non lucrative qui a mis au point une nouvelle méthode pour traiter les questions sociales qui sont complémentaires à l’action publique (l’accompagnement à l’emploi par exemple) aura une stratégie de levée de fonds différente. La cible des bailleurs sera principalement les pouvoirs publics auxquels ils pourront répondre sur certains appels d’offres ou même des bailleurs privés au travers d’outils financiers de type contrat social. Dans ce cas-ci, investir dans du plaidoyer et les relations publiques est un choix stratégique.
Le fait d’identifier en amont sur quel type de modèle de levée de fonds une organisation se positionne permet de mettre en place une stratégie cohérente avec les bons investissements.

Quels outils utiliser ?

Ensuite, en fonction du type d’activité réalisée par cette organisation non lucrative, différents outils sont à sa disposition pour lever des fonds. Pour comprendre lesquels utiliser, chaque organisation pourrait, dans la mesure du possible, pouvoir classifier ses différentes activités en fonction de ces 3 catégories :
1.
Les activités commerciales qui peuvent générer un revenu
2.
Les actifs (matériels ou immatériels) qui peuvent être sponsorisés
3.
Les autres programmes

1. Catégorie 1 – Les activités commerciales

Lorsqu’une organisation arrive à générer des revenus commerciaux réguliers, elle peut prétendre à des instruments de dettes tels que :
  • Le prêt pour financer un besoin en fonds de roulement (working capital loan) : ce type de crédit fonctionne comme une ligne de crédit récurrente et permet de pallier un différentiel de trésorerie entre le moment de vente et le paiement.
  • Le prêt relais (bridge loan): ce prêt court terme permet d’avoir une trésorerie immédiate en attendant des sources de financement spécifiques. Contrairement au prêt précédent, il s’agit d’un prêt utilisé pour des occasions plus particulières (par exemple, un engagement important d’un partenaire public qui sera payé plus tard dans l’année).
  • Le prêt à impact (loan impact) : le but de cet instrument est de récompenser les organisations qui empruntent pour la réalisation d'objectifs d'impact. S’agissant d’un engagement contractuel, les parties sont libres d’y fixer les objectifs d’impact qu’elles souhaitent et les conditions associées. Par exemple, on pourrait avoir un crédit dont le taux d’intérêt baisse en fonction des objectifs sociaux ou environnementaux atteints.
Il existe également le don remboursable (recoverable grant) qui est un instrument pouvant bien fonctionner pour financer des projets de recherches et développement. En effet, le don est remboursé si seulement les objectifs prédéfinis sont atteints notamment avec la création de revenus permettant de rembourser le don.
Les financeurs de ce type de d’instruments de dettes peuvent être des fondations, des fonds d’impact, des particuliers mais aussi des banques avec des offres spécialisées sur ce secteur.

2. Catégorie 2- Sponsoring

Chaque organisation à but non lucratif détient des actifs matériels ou immatériels qui peuvent être sponsorisés par une entreprise commerciale ou une fondation. Une entreprise peut avoir un intérêt en termes de positionnement de soutenir une association avec laquelle elle partage des valeurs, une expertise ou un alignement de cible.
Ce sponsoring peut prendre plusieurs formes :
  • Un sponsoring des bénéficiaires : la mise en place de bourse au profit de bénéficiaires identifiés en est un bon exemple. Ainsi, Degroof Petercam Foundation soutient la fondation VOCATIO qui octroie chaque année une bourse de 10 000 € à 20 jeunes entre 18 et 30 ans pour leur permettre de faire de leur vocation ou passion leur métier.
  • Un sponsoring d’actifs : il s’agit alors d’identifier quel est l’actif (actif matériel ou propriété intellectuelle) qui nécessite le plus de fonds et qui pourrait être sponsorisé par une entreprise. L’association Read international, qui a créé des bibliothèques dans les écoles publiques de Tanzanie a fait financer le transport des livres récoltés par British Airlines. C’est un sponsoring gagnant-gagnant qui a permis de financer le plus gros poste de coût de cette association, à savoir l’acheminement des livres de seconde main.
  • Un sponsoring de communauté : nombreuses sont les associations à compter autour d’eux nombres de sympathisants. Il s’agit ici de convertir un soutien moral en un engagement humain, financier ou matériel. Réseau Entreprendre crée ainsi une communauté de chefs d’entreprise qui, sur base d’une cotisation annuelle de membre, peut coacher un jeune porteur de projet. En plus de partager son expérience et transmettre son savoir, le chef d’entreprise rejoint une communauté d’autres entrepreneurs engagés. L’effet « club » est ici recherché.

3. Catégorie 3 - Les autres programmes

Ces autres programmes sont financés par des dons qui peuvent parfois prendre différentes formes tel que le « crowdgiving », la mise en place d’outils plus sophistiqués tel que l’obligation sociale (ou contrat à impact social) que nous détaillerons lors d’un prochain article ou encore l’organisation d’évènements publics ou de campagnes de dons ciblées. Tous ces outils vont bien évidemment varier en fonction du modèle de levée de fonds identifié précédemment.
Dans le cadre de son soutien extra-financier à ses lauréats, la Fondation Degroof Petercam organise des « Masterclass » sur des sujets variés liés à la gestion d’un projet philanthropique. La finance sociale étant un sujet en évolution constante, la Fondation a dernièrement rassemblé ses partenaires pour transmettre cette expertise, notamment au travers de l’intervention d’experts tels que Social Innovation Circle.
Pauline Verhaeghe – Social Innovation Circle-img

Vous voulez allez plus loin ?

N’hésitez pas à consulter le Social Investment Toolkit.
¹ https://ssir.org/articles/entry/ten_nonprofit_funding_models


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