Recueillir des œuvres d’art dans le cadre d’une succession peut engendrer certaines difficultés. Imaginons que vous héritiez ainsi d'une belle œuvre d'art ou d’une collection de grande renommée, mais surtout de grande valeur. Il est parfaitement possible que vous vous rendiez rapidement compte que vous n'avez pas les moyens de payer les droits de succession y afférents... Il n’est pas rare que, dans ce type de situation, l'œuvre d'art doive être vendue. Or, vendre une œuvre n'est pas nécessairement chose évidente, sans compter que cela a, en outre, souvent pour conséquence que de belles œuvres d'art partent à l'étranger. Pour éviter ces situations de vente forcée, le législateur a introduit en 1985 un régime légal permettant de s’acquitter des droits de succession au moyen des œuvres d'art elles-mêmes. Les règles détaillant ce régime ont été reprises dans le Code des droits de succession dans ses versions applicables en Région de Bruxelles-Capitale et en Région wallonne, ainsi que dans le Code flamand de la Fiscalité (ci-après « C.F.F. »).
En l’espèce, il s'agit d'une application d'un principe inscrit dans notre Code civil sous le nom de dation en paiement. Cette opération juridique consiste en un accord entre un débiteur et son créancier en vertu duquel le premier peut se libérer de son obligation - en l'occurrence, la débition de droits de succession - à l’égard du second au moyen d’un bien autre que celui initialement dû.
Nouveautés en Flandre¹
Depuis le 1er juillet 2023, la réglementation existante en Région flamande a été adaptée et élargie par le législateur. Ce nouveau régime est non seulement beaucoup plus accessible, mais aussi plus intéressant fiscalement.
- Il est plus accessible, parce que son champ d'application a été substantiellement étendu. En effet, auparavant, la législation ne faisait référence qu'aux « œuvres d'art » afin de procéder au paiement dans le cadre de la dation. Désormais, cela vaut pour tout « bien culturel ». Outre les peintures et autres sculptures, peuvent dorénavant également entrer en ligne de compte les pièces archéologiques, les bijoux, les manuscrits et autres objets scientifiques.
- Le nouveau régime est, par ailleurs, plus intéressant fiscalement, dans la mesure où le législateur flamand a prévu que les « biens culturels » faisant l’objet d’une dation, seront pris en compte à concurrence de 120 % de leur valeur vénale. Une commission spéciale, le « Topstukkenraad », émet notamment un avis au Gouvernement flamand sur la question de savoir si les œuvres et objets d’art sont éligibles à la liste du patrimoine culturel flamand, d’une part, et sur la valeur des « biens culturels » au jour de l’ouverture de la succession, d’autre part. Cette valeur est ensuite prise en compte à concurrence de 120 %, ce qui signifie qu’en pratique une réduction de 20 % sera opérée sur la charge fiscale des droits de succession effectivement payés.
Il s’agit donc d’un avantage substantiel pour l’héritier qui choisit de s’acquitter de sa dette d’impôt (au titre de droits de succession) au moyen d’une dation de biens culturels plutôt que via un paiement en espèces.
Conditions d’application du nouveau régime
Pour bénéficier du nouveau régime, les biens culturels faisant l’objet de la dation doivent satisfaire à une condition de propriété. Les biens culturels doivent ainsi appartenir en pleine propriété au défunt et/ou à son partenaire de vie survivant (conjoint ou cohabitant légal) et/ou à ses ayants droit (héritiers, légataires ou donataires). Par conséquent, si les biens culturels ont été confiés à une personne morale (par exemple, une fondation privée) qui n’est pas mentionnée comme légataire dans le testament du défunt, cela peut constituer un premier obstacle à l’application du nouveau régime.
Le propriétaire normalement prudent et diligent notera qu’il est possible de demander, avant le décès, à la commission spéciale « Topstukkenraad » si certains de ses biens sont éligibles au nouveau régime de la dation en paiement et partant, à la valorisation de 120 %.
Nous noterons également que, pour pouvoir s’acquitter de la dette de droits de succession au moyen de la dation, le changement de « mode de paiement » doit être accepté par l’administration fiscale (comme nous l’avons vu, la dation nécessite un accord entre le débiteur et son créancier). Il s’agit dès lors d’une faculté laissée à l’appréciation de l’administration fiscale.
Des nouvelles possibilités de planification patrimoniale grâce à l’art
L’élargissement du champ d’application de ce nouveau régime, le rendant plus accessible et plus intéressant fiscalement, offre aux propriétaires de collection de « biens culturels » de nouvelles possibilités de planification au sujet de leur patrimoine et de leur succession.
Si vous souhaitez obtenir davantage d'informations sur les biens culturels susceptibles d'être éligibles à ce nouveau régime ou sur les démarches à accomplir, n'hésitez pas à prendre contact avec votre Private Banker ou à questionner nos équipes d’Estate Planning and Art Advisory.