Dès lors, en-dehors de toute considération sur le risque d’investissement en termes de diversification, marchés, liquidités, valorisation ou autres, un portefeuille peu exposé à ces quatre secteurs sera peu à risque face au changement climatique et surtout face aux changements réglementaires induits par celui-ci.
Il n’est pas ici question de plaider pour le désinvestissement en énergie. Prendre conscience du risque, l’estimer et le mesurer peut permettre une meilleure gestion. Ainsi, dans les secteurs plus exposés, il est important de s’intéresser aux risques intrinsèques du secteur et ensuite de l’exposition à ces risques pour l’émetteur individuel.
Décarboner votre portefeuille
Aujourd’hui dans cet environnement de la chasse aux émissions carbone revient de plus en plus souvent la notion de décarboner les portefeuilles. De quoi s’agit-il ?
Plusieurs approches existent pour décarboner son portefeuille avec toute la prudence que cela requiert. Il faut garder à l’esprit que ce concept se base sur des méthodologies encore imparfaites. Chaque usine ou entreprise n’est pas équipée d’un capteur de mesures d’émissions carbone. Celles-ci sont donc rapportées ou estimées au niveau global de l’entreprise, avec la difficulté supplémentaire du calcul des émissions directes (qui ont servi à la production du produit en soi) et indirectes (liées à l’utilisation du produit). De plus, les approches de décarbonisation se concentrent sur un aspect unique du portefeuille, c’est-à-dire le risque climat en laissant pour compte les autres dimensions de gestion de portefeuille.
Une première méthode consiste à investir dans les secteurs à faible émission. Par exemple, un portefeuille qui éviterait (totalement ou partiellement) l’exposition aux secteurs de l’énergie, d’utilité publique, industriel et des matériaux. C’est une vision assez réduite à plusieurs titres :
D’une part, en raison de la diversité des secteurs industriel et des matériaux. D’autre part, la chasse aux sorcières contre l’énergie peut conduire certains à sortir radicalement les secteur du gaz et du pétrole. Si leurs efforts sont jugés insuffisants en la matière, l’exclusion risque de conduire à une situation de non-retour sur la question. La transition énergétique vers une économie à bas carbone doit s’accompagner d’un dialogue avec l’ensemble des acteurs et parties prenantes pour une transition ambitieuse et réalisable.
Une seconde méthode de décarbonisation de plus en plus répandue est de calculer l’empreinte carbone d’un portefeuille et d’ambitionner une réduction de celle-ci soit sur la durée, soit vis-à-vis d’un autre portefeuille ou indice de référence. Cette méthode présente deux avantages :
- D’une part, même si elle est encore imparfaite, la mesure de l’empreinte carbone permet déjà une première estimation globale du risque et la comparaison vis-à-vis de différents indicateurs.
- D’autre part, viser à réduire cette empreinte montre une volonté dynamique de progrès et une réelle conscience environnementale.
Cependant, elle pose également plusieurs soucis méthodologiques. Tout d’abord, la méthodologie de calcul d’empreinte carbone rencontre plusieurs faiblesses (émissions directes et indirectes, émissions reportées ou estimées, applications aux classes d’actifs moins traditionnelles, etc.). Dès lors, un processus d’investissement et de construction de portefeuille basé exclusivement sur cette mesure est par essence risqué. La majorité des solutions d’investissement repose sur une optimisation de l’empreinte carbone du portefeuille en surpondérant ou sous-pondérant les lignes individuelles en fonction des estimations d’émissions de ces dernières.
De plus, elle vise une réduction des émissions totales du portefeuille sur un horizon de temps. Or, d’une part, la technologie progressant, à portefeuille inchangé, les chances sont grandes que l’empreinte carbone diminuera naturellement. D’autre part, en fonction des améliorations de la méthodologie de calcul, soit cette dernière augmentera ou diminuera par simple correction de méthodologie.
Les voix s’accordent donc pour considérer l’empreinte carbone comme une mesure imparfaite. Construire une stratégie d’investissement exclusivement sur cette dernière serait dès lors dangereuse. Elle représente néanmoins un indice du risque climatique encouru et est donc pertinente puisque le changement climatique pose des risques financiers et économiques à court et moyen terme. L’évolution du prix du carbone en témoigne. (graphe). Dès lors, l’intégration du risque climatique à part entière en amont du processus d’investissement est primordial. Il doit se faire de manière réfléchie et sensée par les analystes et gérants maîtrisant l’ensemble des enjeux de leurs secteurs économiques à travers une recherche fondamentale approfondie.
Le saviez-vous ?
Le risque carbone et le changement climatique sont intégrés en amont des processus d’investissement des stratégies Degroof Petercam par les équipes d’analystes actions et obligations et par les gérants de portefeuille. De plus, l’empreinte carbone de tous les fonds gérés par DPAM est calculée trimestriellement afin de conscientiser les gérants et les investisseurs sur le risque réel climatique et d’avoir une première estimation de ce dernier au niveau du portefeuille global. Sur base de cette estimation, certains ajustements au niveau macro et au niveau des titres individuels peuvent être opérés dans une réflexion globale de gestion des risques.