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Banques centrales : jusqu’où les taux peuvent-ils monter ?

Jérôme van der Bruggen - Chief Investment Officer
La hausse des taux d’intérêt fait la une des médias et rend les marchés financiers plus nerveux. Mais quelle est la portée réelle de cette hausse des taux ?

Les banques centrales ont décidé en quelque sorte de ne plus être les « amies » des marchés financiers, c’est ce qu’on peut deviner au travers de leurs déclarations ?

C’est vrai que le discours des banquiers centraux a changé ces derniers temps. Le 26 janvier dernier, la Fed a clairement indiqué qu'un premier relèvement des taux sera effectué en mars. Le 3 février, c’est la Banque centrale européenne qui a ouvert la porte à une hausse des taux plus tard dans l'année. A la même période, la banque centrale britannique a relevé ses taux d'intérêt de 25 points de base et il a été question de les relever de 50 points de base. En d'autres termes, il est clair que les taux directeurs vont augmenter au cours des prochains trimestres.

Il paraît peu probable que les prix de l’énergie continuent d’augmenter à la même vitesse.

C’est la persistance d'une inflation élevée qui est à l’origine de ce durcissement de ton des banquiers centraux ?

L'inflation, a – rappelons-le – surtout été poussée à la hausse par l'augmentation des prix de l'énergie. Notons au passage que l’impact de cette hausse des prix de l’énergie sur l’inflation va sans doute s’atténuer cette année. Il paraît peu probable que les prix de l’énergie continuent d’augmenter à la même vitesse.
Cela étant dit, c’est le marché du travail qui commence à se tendre maintenant. Dans la zone euro, le taux de chômage (7 %) est désormais inférieur à son niveau d'avant la crise et le taux d'inoccupation atteint un niveau record. Aux Etats-Unis, la croissance moyenne des salaires au mois de janvier a été de plus de 5 % par rapport au niveau de l'année dernière.

La hausse des taux d’intérêt a déjà provoqué quelques remous au sein des bourses, mais les marchés financiers restent assez résilients, comment expliquer ce paradoxe ?

Selon moi, plusieurs éléments entrent en jeu ici.
  • Premièrement, dans quelle mesure les marchés financiers en tiennent-ils déjà compte ? Nous constatons que le marché s'attend à ce que le taux directeur américain passe à 1,5 % d'ici un an. Dans la zone euro, elle se situe juste au-dessus de zéro. Le taux directeur ne serait alors plus négatif pour la première fois depuis 2014.
  • Deuxièmement, la question est de savoir dans quelle mesure l'activité économique pourra résister à cette hausse des taux d'intérêt. La situation financière raisonnablement solide des ménages, conjuguée à la volonté des entreprises de continuer à investir dans un contexte de tensions sur le marché du travail, devrait continuer à soutenir suffisamment l'activité économique. Et les gouvernements se concentrent également sur les investissements publics.

Quel serait selon vous le niveau idéal pour les taux d’intérêt, question difficile s’il en est ?

C'est en effet la question la plus difficile. Le marché table sur un taux directeur légèrement supérieur à 2 % aux États-Unis fin 2023. En Europe, au mieux, environ 1 %. Ce sont là des niveaux de taux d'intérêt qui restent très bas.

En attendant, la volatilité a repris sa place en Bourse. Est-ce à dire qu’il y a des incertitudes sur l’avenir ? Et qu’est-ce que cela signifie pour les actions ?

Le changement de cap de la politique monétaire menée par les banques centrales annonce le retour de la volatilité. Lorsque les banques centrales maintiennent des taux d’intérêt bas, elles donnent un coup d’accélérateur à la performance boursière. Inversement, lorsqu’elles augmentent les taux d’intérêt, elles mettent le frein.
Il est selon nous très difficile de prévoir les mouvements de volatilité à la semaine près et donc l’attitude à adopter pendant les phases de volatilité est : primo, être d’autant plus prudents, et secundo, faire preuve de patience et de résilience pendant les baisses, car la volatilité provoque aussi des opportunités.
  • Pour ce qui est de la bourse en général et à long terme, nous sommes d’avis que les taux d’intérêt réels risquent de rester bas, peut-être même négatifs pendant longtemps. Admettons par exemple que les taux d’intérêt américains montent jusqu’à 1,5 % cette année et que l’inflation se normalise à 3-4 %, vous serez toujours avec des taux d’intérêt réels entre -1,5 et -2,5 % !
  • Notez également que nous sommes toujours dans un cycle économique solide permettant que les bénéfices augmentent, certes moins que l’année dernière et malgré les pressions sur les marges bénéficiaires qui semblent avoir atteint un pic.
En conclusion, ces deux facteurs plaident en faveur d’un investissement en bourse.
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