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Quelle est l'ampleur du problème du vieillissement de la population en Belgique ?

Bruno Colmant - Anciennement Group Head of Private Banking et consultant externe
À l’heure où la réforme des pensions provoque la colère des syndicats, le vieillissement de la population belge soulève de nombreux problèmes. Quel est l’impact budgétaire de ce phénomène et quels sont les scénarios envisagés pour mettre davantage de gens au travail ?
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La population belge vieillit. Si l’âge médian de la population belge n’atteignait même pas 34 ans au début des années 80, il dépasse aujourd’hui 41 ans. D’après les projections des Nations Unies, il devrait atteindre 45 ans en 2040. D’après ces mêmes projections, la part de citoyens belges de plus de 65 ans dans la population totale passera de 18 % aujourd’hui à près de 26 % en 2040. En revanche, la part de la population en âge de travailler (actuellement près de 60 % de la population) sera réduite à 53 % en 2040.
Cette année-là, on dénombrera environ deux travailleurs potentiels par personne âgée de 65 ans ou plus. Bien entendu, la Belgique n’est pas une exception : la quasi-totalité de la société occidentale, au même titre que de nombreux pays asiatiques, est confrontée à des vents démographiques contraires soutenus.

Augmentation des dépenses liées au vieillissement de la population

Il convient bien entendu de se réjouir de la possibilité de vieillir en meilleure santé. Néanmoins, l’impact économique ne peut être passé sous silence. Notre système de pensions est principalement fondé sur la répartition. Les pensions actuelles sont donc financées par les cotisations des travailleurs. Ce système a été mis en place après la Seconde Guerre mondiale, alors que l’espérance de vie moyenne était d’environ 65 ans. Elle atteint désormais 82 ans et devrait s’élever à 87 ans en 2060. L’âge légal de la pension est fixé à 65 ans dans notre pays, mais l’âge moyen effectif de la pension a fortement baissé ces dernières décennies, puisqu’il est passé de 64 ans en 1970 à 59 ans aujourd’hui. L’augmentation du nombre de baby-boomers, qui prennent plus rapidement leur pension et qui, de surcroît, vivent plus longtemps, entraîne bien évidemment une hausse des dépenses en termes de pension et de santé.

En partantd’une croissance de la productivité de 1 %, le coût budgétaire du vieillissement à l’horizon 2060 atteindrait 5,2 % du PIB, soit 22 milliards d’euros actuels.

En 2001, le gouvernement en place a créé la Commission d’étude sur le vieillissement de la population afin de contrôler l’impact budgétaire de ce phénomène. Une nouvelle projection des dépenses sociales liées au vieillissement (pensions, soins de santé, allocations de chômage, allocations familiales et enseignement) est ainsi présentée chaque année. En 2016, ces dépenses représentaient 25,3 % du PIB. D’après le dernier rapport, le coût budgétaire du vieillissement à l’horizon 2040 atteindra 28,5 % du PIB, pour revenir ensuite à 27,6 % en 2060. Ces évolutions représentent des augmentations respectives de 14 et 10 milliards d’euros actuels. Ces montants sont inférieurs à certaines estimations antérieures. En 2012, par exemple, la Commission d’étude considérait encore que les coûts du vieillissement atteindraient 30,5 % du PIB d’ici 2040 et 31,4 % en 2060. Cette révision s’explique principalement par les réformes des pensions de ces dernières années, par exemple le relèvement de l’âge légal de la pension à 66 ans en 2025 et à 67 ans en 2030, et par le resserrement progressif des conditions d’accès à la prépension, ainsi que par des évolutions démographiques plus favorables. Cela signifie que les mesures prises par les autorités peuvent bel et bien avoir un effet positif sur le coût du vieillissement.
Il convient toutefois de noter que ce scénario de référence se base 8 sur un raffermissement progressif de la croissance de la productivité, laquelle passera de 0,6 % en 2022 à 1,5 % en 2035 et restera ensuite à un niveau constamment élevé. Le fondement de cette hypothèse peut être fortement mis en doute et tend même vers l’optimisme béat si l’on tient compte de la croissance de la productivité de ces dernières décennies. Au cours de ces quarante dernières années, elle s’est établie à 1,3 % en moyenne, contre une moyenne de 0,8 % ces vingt dernières années. Une certaine prudence semble donc s’imposer.
En partant d’une croissance de la productivité de 1 %, le coût budgétaire du vieillissement à l’horizon 2060 atteindrait 5,2 % du PIB, soit 22 milliards d’euros actuels. Par ailleurs, cette hypothèse considère que le taux d’emploi enregistrera une hausse relativement sensible et s’établira à 73 % (contre 68 % actuellement). Même si le nombre de personnes de plus de cinquante ans qui travaillent augmente fortement, il est tout à fait possible que des efforts financiers supplémentaires doivent être consentis pour atteindre cet objectif.

Un temps précieux perdu

Sur le plan des finances publiques et du vieillissement de la population, notre pays ne fait pas vraiment figure d’élève modèle. Après les efforts budgétaires des années 1980 (sous les gouvernements Martens successifs) et les économies réalisées dans le cadre du Plan global sous le gouvernement Dehaene afin d’accéder à la zone euro, notre pays s’est reposé sur ses lauriers. Le solde budgétaire primaire structurel, c’est-à-dire la différence entre les revenus et les dépenses de l’État (hors charge d’intérêts) corrigée des variations conjoncturelles et des mesures uniques, s’est fortement dégradé entre 2000 et 2007, à raison de 2,7 % du PIB. En d’autres termes, le bonus en matière de taux apparu grâce à la baisse des taux d’intérêt a été entièrement siphonné.
Et qu’en est-il du Fonds de vieillissement créé en 2001 ? Ce fonds devait constituer une cagnotte permettant de prendre en charge le futur coût du vieillissement. Toutefois, il est rapidement apparu que ce fonds, qui devait être une poire pour la soif, n'était que de la poudre aux yeux. En effet, pour faire simple, une somme a été versée dans la cagnotte constituée pour la pension. Cette somme a ensuite été retirée et consacrée aux dépenses quotidiennes de l’État contre la promesse de la reverser par la suite. C’est pourquoi, en mai 2016, la décision a finalement été prise de liquider le Fonds de vieillissement, au motif qu’il s’agissait effectivement d’une coquille vide. Ce tour de passe-passe serait divertissant s’il n’était pas si déprimant. L’été dernier, le ministre fédéral des Pensions a présenté sa note d’orientation aux partenaires sociaux. Il l’a fait trois ans après que la Commission de réforme des pensions,dirigée par le professeur Frank Vandenbroucke, a présenté sa note 8 de vision et son système à points. Un temps précieux a été perdu.

Conclusion

Les solutions miracles n’existent pas et il n’est pas nécessaire d’envisager un scénario catastrophe. Il s’agit de transposer un certain nombre de mesures évidentes. Il faut, en résumé, mettre davantage de gens au travail. Cet objectif peut être atteint en rendant le travail fiscalement plus attrayant, mais aussi en organisant des parcours de formation permanente, en luttant plus efficacement contre l’abandon scolaire, en instaurant l’apprentissage en alternance et les stages en entreprise à tous les niveaux de l’enseignement, en revoyant les procédures de licenciement collectif et en supprimant le système de chômage avec complément d’entreprise (CCE, l’ancienne prépension).
La mise en place d’un système à points simple serait une bonne mesure, qui pourrait permettre de prolonger la durée moyenne de la carrière du Belge. La valeur d’un seul point garantit ainsi un revenu proportionnel au revenu moyen dans la société. L’éventuelle décision personnelle de quitter le marché de l’emploi de manière anticipée sera dans ce cadre compensée de manière neutre sur le plan actuariel. En d’autres termes, un facteur de correction sera appliqué en fonction de l’âge et de la durée de la carrière, dans un sens tant positif que négatif. En y ajoutant le déploiement à plus large échelle du deuxième pilier des pensions, la population aura davantage confiance en la viabilité économique de celles-ci. De nombreux autres pays sont mieux préparés. Les partenaires sociaux devront encore discuter de la mise en pratique concrète de ce système, en ce qui concerne les métiers pénibles par exemple. Toutefois, le dispositif offre au minimum un cadre solide et transparent et remédie au sentiment d’improvisation qui règne actuellement.
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