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Un vaccin fiscal pour nos entreprises belges ?

Ariane Joris - Head of Estate Planning
C'est enfoncer une porte ouverte de déclarer que le coronavirus a gravement affecté la santé de nos entreprises belges. Cependant, par le biais de certaines mesures fiscales, le gouvernement fait tout ce qui est en son pouvoir pour que les entreprises belges ne succombent pas à la pression de ce virus mondial.

La « réserve de reconstitution » exonérée

L'une des mesures qui se distingue est la « réserve de reconstitution » exonérée. Cette mesure permet aux entreprises belges de reconstituer leurs fonds propres à concurrence de la perte qu'elles ont subie au cours de l'exercice (comptable) corona 2020 en la déduisant de leurs bénéfices futurs. Cette perte « corona » ne viendra donc pas diminuer les fonds propres, comme cela aurait été le cas sans cette disposition. Cette mesure était déjà sur la table du gouvernement précédent, mais ce n'est seulement maintenant qu'elle a trouvé une majorité à la Chambre qui a approuvé le projet de loi " portant l’introduction d’une réserve de reconstitution pour les sociétés " (par l'introduction de l'article 194 quater/1 du Code des impôts sur les revenus).

De quoi s'agit-il ?

L’objectif est de rehausser les fonds propres des entreprises au cours des trois exercices comptables suivant « l'année corona 2020 » au cours de laquelle des pertes comptables ont été subies. Ce nouveau régime fiscal permet aux sociétés belges, sous certaines conditions, de constituer une réserve exonérée d'impôt pour les exercices d'imposition 2022, 2023 et 2024 (c'est-à-dire pour les exercices comptables 2021, 2022 et 2023 si l'exercice comptable se clôture le 31 décembre). A noter que cela n'est possible que si et dans la mesure où l'entreprise a subi une perte (comptable) pour l'année (corona) 2020.

Comment cela fonctionne-t-il concrètement ?

Suite à la crise corona, une entreprise a connu une baisse importante de son chiffre d'affaires, ce qui a entraîné une perte de 1 million d'euros pour l'exercice comptable 2020.
  • Pour les exercices comptables 2021, 2022 et 2023, la société est à nouveau rentable et réalise chaque année un bénéfice de 400.000 euros (soit un bénéfice total de 1,2 million d'euros sur les trois exercices).
  • Cette société peut donc constituer une réserve de reconstitution exonérée pour 2021 et 2022 de 400.000 euros chacun, soit le montant total du bénéfice.
  • Pour l'exercice comptable 2023, une réserve de reconstitution exonérée pour un montant de 200.000 euros sera constituée.
  • En effet, le montant total de la réserve de reconstitution ne pourra pas dépasser le seuil de 1 million d'euros sur les trois exercices comptables combinés qui correspond au montant de la perte comptable subie au cours de l'exercice comptable 2020.
En tout état de cause, la réserve de reconstitution ne pourra dépasser 20 millions d'euros, quel que soit le montant des pertes subies et des gains réalisés par la suite.

Qui est éligible ?

Toute société belge qui est soumise à l'impôt des sociétés et qui joindra un formulaire spécifique lors de l’introduction de sa déclaration fiscale. Le « format » de ce formulaire doit encore être déterminé.
  • Toutefois, certaines sociétés sont exclues, notamment les sociétés d'investissement, les sociétés immobilières réglementées, les sociétés coopérative en participation, les sociétés qui pouvaient être considérées comme entreprises en difficulté au 18 mars 2020 (y compris les sociétés qui sont 'dissoutes' et qui se trouvent en liquidation).
  • Sont également exclues, toutes les sociétés qui, durant la période du 12 mars 2020 jusqu'à la constitution d'une réserve imposable, procèdent à une distribution de dividendes, à un rachat d’actions propres ou à une réduction de leur capital ou de leurs fonds propres. A noter que si cette société effectue une telle opération après la constitution de la réserve de reconstitution exonérée d'impôt, seule une partie de l’exonération devra être reprise (voir ci-dessous).

Quelles sont les conditions applicables ?

Pour bénéficier de la réserve de reconstitution, la société devra comptabiliser un montant sur un compte de réserve distinct et « intangible » du passif. L'exonération d’impôt ne peut être maintenue que pour autant que le montant reste comptabilisé sur ce compte de réserve exonéré.
En outre, la société ne peut avoir aucun lien de quelque nature que ce soit avec un paradis fiscal. La société belge ne peut détenir aucune participation ou action dans une société située dans un paradis fiscal. En outre, aucun paiement de plus de 100.000 euros par période imposable ne peut être effectué en faveur d'une autre société située dans un tel paradis fiscal, sauf si des raisons économiques ou financières évidentes peuvent être démontrées. Par « paradis fiscal », on entend un pays mentionné dans les listes établies par les autorités fiscales, qui sont régulièrement mises à jour. Sont notamment considérés comme des paradis fiscaux : Abu Dhabi, les îles Caïmans, les Bermudes, Dubaï, Guernesey, Jersey, Monaco, etc.

Une exonération fiscale temporaire ?

Comme le bénéfice est (partiellement) affecté à la création d’une réserve exonérée d'impôt, le résultat imposable diminue ; par conséquent, la charge fiscale à impôt des sociétés sera réduite pendant les exercices comptables au cours desquels une telle réserve est constituée.
Sachez que cette mesure n'est que temporaire, car la réserve exonérée devra être reprise dans certains cas. Par exemple, la réserve de reconstitution exonérée d'impôt devra être reprise au cours de l'exercice comptable pendant lequel la société verse un dividende, rachète ses actions propres, réduit son capital ou ses fonds propres. Au cours de l'exercice où la réserve immunisée est reprise, le résultat imposable augmente. L'impôt des sociétés sera donc plus élevé, sauf si la société peut bénéficier d'autres déductions fiscales au cours de cet exercice comptable. La reprise de la réserve pour la reconstitution doit être effectuée qu’à concurrence du montant du dividende ou de la prime d'achat versés ou du montant de la réduction de capital.
La préservation de la réserve de reconstitution est également liée à la préservation de l'emploi. Si les charges salariales baissent sous un certain seuil (c'est-à-dire 85 % du seuil de charges salariales pour l’exercice comptable clôturé en 2019), la réserve de reconstitution exonérée d'impôt devra être reprise pour ce montant.
À titre d’exemple : BelCo a octroyé 200.000 euros de rémunérations pour l'exercice comptable se clôturant fin 2019. À la fin de l'exercice comptable 2022, les rémunérations octroyées ne s’élèvent qu’à 160.000 euros. Cela représente 10.000 euros de moins du seuil de 85 % du montant de la rémunération à la fin de 2019 (170.000 euros = 85 % x 200.000 euros). Le montant de la réserve exonérée devrait être réduit de 10 000 euros pour 2022.
En introduisant la « réserve de reconstitution » exonérée d'impôt, le gouvernement a voulu soutenir la santé de nos entreprises belges. Espérons que ce vaccin fiscal sera suffisamment efficace pour aider nos entreprises à se remettre sur pied.
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