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Quelles prévisions pour l'économie et la bourse en 2022 ?

Jérôme van der Bruggen - Chief Investment Officer
Reprise économique, inflation, transition énergétique, gestion des inégalités : 2022 sera une année placée sous le signe des défis et des opportunités.

La fin de l'année approche. A quoi peut-on s'attendre pour 2022 ?

Le niveau du PIB dans de nombreux pays a renoué avec le niveau pré-corona ou même supérieur. Soulignons également la vitesse et la force de la reprise économique. Si la croissance a ralenti depuis cet été, c’est en raison de plusieurs éléments :
1.
une certaine normalisation de l'activité économique
2.
des perturbations dans les chaînes d'approvisionnement
3.
des prix de l'énergie plus élevés
4.
une croissance atone en Chine en raison de problèmes dans le secteur immobilier. 
De plus, la crise corona n'est pas encore terminée, comme le montrent l'augmentation des infections.
Ce sont ces éléments qui se feront sentir l'année prochaine. Le consensus aujourd'hui est encore un peu trop optimiste sur les taux de croissance de l'année prochaine (en particulier aux États-Unis et en Chine) et sous-estime probablement l'inflation l'année prochaine. Néanmoins, nous pensons que la situation financière des ménages, l'appétit d'investissement des entreprises et le rôle de soutien des gouvernements seront encore suffisants pour continuer à enregistrer des chiffres de croissance positifs l'année prochaine avec une nouvelle reprise du marché du travail.

La combinaison d'une nouvelle reprise et de ruptures de stocks a déjà fait craindre l'inflation. À quel point devrions-nous être inquiets à ce sujet ?

L'inflation est un thème important depuis plusieurs trimestres et continuera de l'être l'année prochaine. Il est clair qu'il existe un certain nombre d'effets fortement liés à la pandémie, tels que le rebond rapide des prix de l'énergie et les goulots d'étranglement dans l'industrie. Ces goulots d'étranglement continueront de se produire l'année prochaine.
De plus, il existe une pénurie sur le marché du travail à divers endroits dans le monde. Aux États-Unis, elle s'accompagne même d'une accélération de la croissance des salaires. Ainsi, l'année prochaine, nous pouvons nous attendre à ce que les chiffres de l'inflation restent au-dessus de l'objectif fixé par les banques centrales américaines et européennes.
Pourtant, je ne pense pas qu'il faille être alarmiste car les taux d'inflation vont redescendre au cours de l'année 2022. Restons nuancés : l'inflation dans les années à venir sera probablement plus élevée que ce que nous avons vu au cours de la décennie précédente pour un certain nombre de raisons structurelles sur lesquelles nous avons déjà zoomé lors d'une de nos précédentes conversations.

Qu'est-ce que cela signifie concrètement pour la politique de la banque centrale ?

Tant la Fed que la BCE regardent à travers les forces qui poussent maintenant l'inflation à la hausse. Ils maintiendront pour l'instant une politique monétaire accommodante, mais ils préparent les marchés financiers à une politique de moins en moins flexible. Aux États-Unis, les achats d'obligations se termineront complètement à l'été de l'année prochaine et la Fed devrait commencer sa première hausse de taux peu de temps après. La BCE, pour sa part, mettra fin à l'assouplissement quantitatif dans le contexte de la pandémie en mars de l'année prochaine, mais une première hausse des taux est peu probable en 2022 et 2023.

Quels défis structurels et opportunités y voyez-vous en 2022 ?

L'avenir n'est pas facile à prévoir. Mais il me semble que les principaux défis macroéconomiques de cette décennie sont globalement la transition énergétique, la gestion des inégalités et la croissance de la productivité. Ce ne sont pas les moindres défis et cela ne se fera pas tout seul. Mais l'échec n'est pas vraiment une option.
Et il y a des signes que davantage de progrès peuvent être accomplis dans ces domaines grâce à une stratégie coordonnée de réinvestissement, de rééducation, de redistribution et de réglementation. Pensez au plan Build Back Better aux États-Unis ou au plan NGE en Europe, qui sont tous deux fortement engagés dans l'amélioration de la productivité et les investissements verts. Ou pensez aux banques centrales visant une reprise inclusive sur le marché du travail. Mais bien sûr, il faudra faire plus au niveau réglementaire, d'une part pour réduire le pouvoir de marché accru de toute une série d'entreprises et d'autre part pour taxer davantage les émissions des combustibles fossiles. Ces recettes peuvent ensuite être restituées aux ménages, compte tenu de leur pouvoir d'achat. Et ensuite encourager les entreprises supérieures à faire des investissements plus durables.

Que signifie ce scénario à court et long terme pour la mise en œuvre stratégique des portefeuilles ?

La bourse s’accommode assez bien du scénario économique que nous venons de décrire. Elle l’a pour une part déjà un peu anticipée. C’est pour cette raison que nous avions pris quelques profits au mois d’octobre 2021. Nous avons voulu élaguer certaines branches qui avaient le plus bénéficié de la hausse.
Il faut dire cependant – puisque nous en sommes à dessiner une politique d’investissement pour 2022 et pour les années qui suivront – que la vague d’investissements publics et privés en cours offre la perspective d’une prolongation de la croissance économique. Vous avez d’une part une croissance à court terme qui tient le coup combiné à la perspective de gains de productivité qui permettent d’espérer une amélioration de la croissance à long terme.  
La meilleure manière de construire un portefeuille dans ce contexte est de combiner les investissements qui jouent sur les deux tableaux
  • D’une part investir dans les entreprises qui participent à la vague d’investissements – acteurs de la digitalisation, acteurs de la transition énergétique – et qui rendent possibles les gains de productivité. 
  • D’autre part garder les entreprises cycliques et sensibles à la croissance à court terme. Combiner les États-Unis – où nous retrouverons les acteurs de la digitalisation – avec l’Europe - où nous retrouverons les entreprises cycliques. Combiner la technologie avec l’industrie, les matières premières et les financières. 
Le piège le plus important dans le contexte actuel est celui posé par les entreprises qui ne prennent pas à cœur leurs responsabilités sociétales. Ces entreprises sont sanctionnées de plus en plus par les marchés. Une bonne façon d’éviter ce piège est de complémenter l’analyse financière traditionnelle par de l’analyse extra-financière. L’objectif de l’analyse financière traditionnelle est d’évaluer le juste prix d’un investissement. L’objectif de l’analyse extra-financière est d’évaluer les risques liés au non-respect par les entreprises des normes sociétales au sens large. C’est de l’analyse de risques !
Bien entendu, nous avons aussi des obligations en portefeuille. Un peu moins qu’avant en raison de la faiblesse des taux mais nous pensons que les obligations devraient continuer d’absorber les chocs boursiers lorsque ceux-ci surgissent. Nous avons aussi des devises, en particulier du dollar qui peut s’avérer être un valeur refuge et qui d’ailleurs à tendance à s’apprécier légèrement lorsque la politique monétaire américaine se resserre. Je dirai pour conclure que « discipline et diversification » font partie des règles de gestion de base d’après nous.
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