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Le cas de Pia : l'affectif efficace ?

Silvia Steisel - Managing Director of Degroof Petercam Foundation
En septembre dernier, les Belges ont relayé massivement le cas de la petite Pia, 9 mois, atteinte d’amyotrophie spinale. Lorsque ses parents lancent une campagne de collecte de fonds par sms, l’impossible se produit et les 1,9M de dons furent rassemblés. Un « fundraising » particulièrement émouvant. C’est l’altruisme dans sa forme la plus directe, poussée par la motivation affective car, Pia et ses parents, c’est le miroir de ce qui pourrait nous toucher tous personnellement. Pourquoi nous était-il impossible de résister à cet appel ?
Pour tenter de comprendre pourquoi il nous était impossible de résister à cet appel, analysons ce cas à la lumière d’une vision du don portée par le philosophe Peter Singer, certains moralistes et philanthropes connue sous l’appellation « Effective Altruism ».

Une connexion émotionnelle

Lorsque Peter Singer expérimenta l’altruisme avec ses étudiants, il leur demanda ce qu’ils feraient s’ils voyaient devant eux un enfant se noyer, présumant que sauter dans l’eau ne présente aucun danger. A l’unanimité, oui, tous sauteraient pour lui sauver la vie. Il posa la question à nouveau en ajoutant que l’enfant se situe à l’autre bout du monde, là encore ses étudiants confirment que moralement, oui, la distance ou nationalité ne faisaient pas de différence dans la motivation de le sauver. Mais cela s’accompagnait de questions. Moralement, nous validons de le faire pour un enfant qui n’est pas devant nous, mais nous ne parvenons pas à le concevoir. D’où une action moins spontanée. Ceci confirme la première hypothèse : l’action du don réside dans l’empathie que nous avons face à la personne souffrante et la connexion émotionnelle que nous partageons. Dans le cas de Pia, l’empathie est immédiate : nous connaissons son visage, son âge, sa famille, elle habite peut-être au bout de notre rue.

La motivation du don viendra toujours de l'affectif.

Quel impact ?

La vision de « Effective Atruism » (EA) ne condamne pas cette action spontanée car l’intention basée sur l’idée que « toute vie vaut d’être sauvée » est bonne. Cela dit, en avançant une philosophie plus « utilitariste », EA se concentre sur les résultats et l’impact d’un don plutôt que sur l’intention. Dépasser les sentiments pour remonter à la raison afin de maximiser les résultats d’un don, tout comme raisonnerait un investisseur. Et donner selon cette optique est sans doute plus difficile qu’investir car il implique de se détacher de toute émotion, du moins le temps du choix.
Pour évaluer sa pertinence et l’efficacité d’un don, trois éléments sont avancés par EA. Nous proposerons de prendre le cas de Pia pour l’illustrer.
  • L’ampleur : quel est l’étendue de chaque euro donné, combien de vies puis-je sauver avec mon budget ?
Dans le cas de Pia 1,9M d’euros sont nécessaires pour sauver une vie, sans certitude.
Les théoriciens de EA se poseront la question de savoir combien de vies d’enfants pourraient être sauvées avec certitude avec ce même budget.
  • La solvabilité : le problème peut-il être résolu ? Est-il réaliste d’investir dans ce domaine ? La solution est-elle à portée de main ? Les obstacles sont-ils surmontables ? Est-ce le bon combat ?
Si l’on analyse le problème du cas Pia, le problème initial, c’est bien la maladie, l’amyotrophie spinale, qui entraine le second problème, le coût du traitement. La question à se poser, dès lors : mon don, peut-il aider à prévenir la maladie ? Dans le cas de Pia, certains se sont scandalisés de l’attitude du laboratoire américain en possession du traitement et « responsable » du coût. D’autres sur le rôle de l’Etat et son impuissance à l’acheter. Est-ce le bon combat à mener que de faire pression sur ce prix ou cet achat? Cela contribue-t-il à résoudre le problème ?
  • La négligence : le problème à résoudre est-il négligé ? Le rôle de la philanthropie est-il ici pertinent ou marginal par rapport à d’autres acteurs (pouvoirs publics, académiques, entreprises privées) ?
L’amyotrophie spinale est une maladie qui fait aujourd’hui l’objet de nombreuses recherches, publiques et privées et des traitements en phase de test. Les montants investis ont dépassé le stade de la philanthropie.
Cette analyse a fait l’objet de critiques, qualifiée de froide et de scientiste. Or, c’est son aspect pragmatique et tourné vers le résultat, qui séduit de plus en plus de philanthropes adeptes.

Des causes irrésistibles

Pour revenir à notre cas, si nous avions examiné tout cela, sans doute n’aurions-nous pas donné. Or, il était impossible de résister. Et c’est très bien, car la motivation du don viendra toujours de l’affectif. Le mouvement Effective Altruism le reconnaît totalement et encourage d’ailleurs de dédier 10 % de son budget philanthropique aux causes « irrésistibles », même si en termes d’efficacité cela aurait ses limites. C’est le moteur de la philanthropie. Ceci nous permettrait de résoudre le nœud dans notre conscience : nous avons donné 2€ pour sauver un enfant, et si nous donnions les 18 autres à une cause qui sauvera un maximum d’enfants, peu importe où et qui ils soient ?
A titre d’exemple, GiveWell est une organisation qui analyse et sélectionne des programmes philanthropiques qui combinent ampleur, solvabilité et négligence pour permettre une efficacité maximale du don.
Chez Degroof Petercam, notre service de conseil en philanthropie vous accompagne pour donner de la manière la plus stratégique possible et pour vous accompagner dans votre projet philanthropique.
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