Nuance Communications : technologies de reconnaissance vocale
Voilà pour le portrait de Microsoft, mais qu’en est-il de Nuance Communications, sa dernière proie ? Peu connue du grand public, Nuance Communications est une société spécialisée dans les technologies de la reconnaissance vocale. A titre d’exemple, Siri, le fameux outil de reconnaissance vocale d’Apple utilise la technologie de Nuance Communications.
Ajoutons pour la petite histoire que c’est Nuance Communications qui hérita des brevets de la société Lernout & Hauspie (dont on se souvient de la faillite retentissante en 2001 pour fraude comptable mais qui avait de réelles compétences) puisqu’elle a fusionné en 2005 avec Scansoft qui elle-même avait racheté les technologies de reconnaissance vocale de L&H avec 150 employés. Autre anecdote piquante, Nuance Communications a toujours un centre de recherche au Sud de Gand avec 50 employés (à Merelbeke).
L’analyse plus détaillée des activités de Nuance montre que cette dernière a aussi une application spécifique dans les services de santé, et utilisée dans… 77 % des hôpitaux américains. Son intérêt ? Elle permet aux docteurs de dicter leurs diagnostics et de stocker les informations ainsi dictées de façon fiable. Vous voyez déjà les liens entre cloud et reconnaissance vocale, bien entendu.
Il est vrai aussi que Nuance Communications n’est pas très profitable car elle ne génère que 29 millions de dollars de profits sur 1,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires.
Pour le reste, Microsoft a toujours été actif dans la reconnaissance vocale et travaillait déjà avec Nuance. Ils avaient d’ailleurs une participation de 8% dans L&H.
Quel impact boursier ?
Reste à s’interroger sur l’impact de cette acquisition d’un point de vue financier. A priori, l’opération ne représente pas grand-chose sur le plan financier : le rapport annuel de Microsoft fait état de 136,5 milliards de dollars de cash sur son bilan en juin 2020. Autrement dit, l’impact de cette acquisition sur les bénéfices de Microsoft ne se fera pas sentir avant 2023.
De plus, la croissance historique de Microsoft ne vient pas d’acquisitions. Sa croissance a été avant tout organique, grâce à ses investissements dans sa propre recherche. Mais cette réserve faite, il est clair que ces dernières années, Microsoft est devenue plus gourmande. La preuve ? Elle a acheté LinkedIn en 2016, et l’année dernière on parlait d’un éventuel rachat de l’appli TikTok. Autant d’acquisitions qui a première vue n’ont pas grand-chose à voir avec ses activités.
Stratégie nourricière
Si sur le plan financier, l’impact est mineur, cette opération de rachat de Nuance Communication prend beaucoup de sens sur le plan stratégique.
Nous estimons deux impacts :
- Premièrement, les brevets en reconnaissance vocale pourront être utilisés par Microsoft dans d’autres secteurs et ajouter cette fonctionnalité dans leurs services classiques offerts aux entreprises.
- Et pour comprendre le second impact, il faut revenir sur le « cloud ». Nous savons qu’il s’agit d’hébergement et donc d’infrastructure. Mais à quoi bon héberger des données si c’est pour ne rien en faire ? Le but est de rendre ces données productives, de les monétiser. Les plateformes du cloud offrent aussi des outils d’analyse ou d’interprétation de ces données. Ces outils prennent la forme d’algorithmes qui permettent de déduire des comportements de consommateurs (si on héberge les données d’une entreprise commerciale) ou de patients (si on héberge les données d’un hôpital). Et une fois qu’on comprend les comportements, on peut proposer de meilleurs services et donc monétiser les données. Mais afin de développer ces outils d’analyse, il faut de la masse critique. Et donc, ce qu’on observe, c’est que les entreprises de service du cloud font de plus en plus d’acquisitions pour venir « nourrir » leur infrastructure. Nuance apporte principalement une porte d’entrée dans l’analyse des données pour les services de santé. De la masse critique dans les données liées à la santé et qui permettra à Microsoft de proposer de meilleurs services auprès de tous les professionnels de la santé.
Bref, en « nourrissant » leur infrastructure de nouvelles expertises, les plateformes renforcent encore plus leur position dominante dans la « guerre des données », ces données qui, on le sait, sont la matière première de l’économie digitale.