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Evergrande : La Chine garde-t-elle le contrôle ?

Jérôme van der Bruggen - Chief Investment Officer
Les investisseurs se tournent de plus en plus vers l'Asie et plus particulièrement vers la Chine dont on ne doit plus vanter le potentiel. Cependant, la confiance des investisseurs a récemment été ébranlée après les combat menés par le régime de Pékin contre les grands acteurs technologiques et les problèmes du groupe immobilier Evergrande, qui flirte avec la faillite. Quels sont les enjeux d’un tel événement ?

Scandale immobilier Evergrande : de quoi s’agit-il ?

Pour comprendre l’attitude du gouvernement de Pékin, il faut garder à l’esprit que la réduction des inégalités constitue l’un des piliers des objectifs de Xi Jinping. L'explosion des prix des logements au cours des deux dernières décennies a fait de l'immobilier l'un des principaux facteurs d'inégalité en Chine. Les problèmes d'Evergrande sont révélateurs d'un phénomène plus large – celui de la spéculation immobilière – auquel le gouvernement chinois tente de s'attaquer depuis un certain temps. La preuve ? En août 2020, les restrictions dites des « trois lignes rouges » furent imposées aux entreprises opérant dans le secteur immobilier. L'objectif du gouvernement est de freiner la hausse excessive des prix du logement dans certaines régions chinoises et de faire en sorte qu’il reste abordable pour le citoyen ordinaire. 
Les « trois lignes rouges » sont basées sur trois paramètres financiers : 
1.
le rapport entre le passif et l'actif ;
2.
le rapport entre la dette nette et les fonds propres ;
3.
le rapport entre le cash-flow et la dette à court terme. 
Il découle de ces restrictions un plafonnement de la dette et donc un frein au crédit au sens large. Résultat de ce tour de vis ? Evergrande, endetté comme d'autres promoteurs immobiliers, a été contraint de renforcer son bilan en vendant des participations dans des actifs non essentiels et en accordant des remises de plus en plus importantes sur les ventes de biens immobiliers afin de maintenir ses liquidités. D’après les informations disponibles, l'entreprise a déjà raté certaines échéances de paiement auprès de ses entrepreneurs, de ses fournisseurs, de ses banques et d’autres prêteurs. Le défaut de paiement sur les obligations émises par l’entreprise semble donc presque inévitable (le prochain paiement d'intérêts est dû avant la fin de ce mois).

Des risques de contamination sur d'autres secteurs sont-ils plausibles ?

Evergrande est endettée (à hauteur de 2 000 milliards de renminbi ou 260 milliards d'euros, soit 2 % du PIB chinois) et pose un risque de contagion de cet événement vers d'autres sociétés immobilières et au secteur financier.  Or, que savons-nous à cet instant ?
  • Primo, pour préserver la crédibilité de son objectif de désendettement de l'économie en général et du secteur immobilier en particulier, il est peu probable que le gouvernement chinois organise un sauvetage d'Evergrande. Autrement dit, Evergrande constitue donc en quelque sorte un symbole, un signal de la part des décideurs politiques sur la façon de ne pas faire les choses.   
  • Secundo, il y aura, en revanche, des ventes d’actifs (notion de « service public ») de la société et un rééchelonnement de la dette. Une partie de la dette - due aux familles qui ont versé des acomptes sur des propriétés qui n'ont pas encore été construites - devrait être absorbée par le gouvernement.
  • Tertio, éviter un resserrement brutal des liquidités sera la priorité absolue de la banque centrale chinoise. Afin d’éviter les risques systémiques, elle alimentera le système de liquidités dès que nécessaire. Il existe également un risque de contagion au secteur bancaire et les cours de bourse de certains prêteurs clés d'Evergrande sont sous pression. Cependant, leurs coûts de financement sur le marché interbancaire ne sont pas affectés. L'exposition de ces banques à Evergrande est dans la plupart des cas relativement faible par rapport à leurs actifs.

La débâcle d’Evergrande aura-t-elle un impact négatif sur la croissance chinoise ?

L'économie chinoise repose en grande partie sur le secteur de l’immobilier. Cet événement se traduira en principe aussi par un ralentissement de la croissance de l'économie dans son ensemble. Néanmoins, à notre avis, il n'y a pas lieu d'être trop pessimiste pour l'instant. Après tout, on sait depuis longtemps que les responsables politiques souhaitent se concentrer davantage sur une économie plus équilibrée, fondée sur la consommation et l'innovation.

Quel impact sur la composition des portefeuilles ?

On a vu que Pékin a les moyens de d’éviter que le problème d'Evergrande ne devienne systémique, notamment en assouplissant temporairement les restrictions de crédit sans toutefois inverser la tendance générale au désendettement. Mais reste à comprendre comment gérer l’impact sur la croissance mondiale d’une croissance chinoise plus faible. 
L’impact des réformes chinoises sur la croissance n'est pas nouveau et nos prévisions macroéconomiques en tiennent compte. Le ralentissement de la croissance en Chine est compensé par la bonne santé de la croissance dans le reste du monde. Il est notable qu’au moment où Pékin cherche à ralentir la part de ses investissements, nous Occidentaux soyons en train de tenter de l’augmenter. En résumé, notre scénario table sur une croissance mondiale qui reste solide malgré tout et une politique monétaire qui continuera d’être accommodante. Ce scénario plaide en faveur du maintien d'une position en actions supérieure à la pondération neutre dans les portefeuilles. 
Néanmoins, il n’est cependant pas impossible que la perspective d'un ralentissement de la croissance chinoise pèse pour un temps sur les secteurs sensibles au cycle économique, notamment les matières premières et l'industrie. Nos portefeuilles gardent donc un équilibre entre les valeurs de qualité et de croissance d'une part, et les valeurs cycliques et meilleur marché d'autre part. C’est aussi la raison pour laquelle la pondération des portefeuilles dans les marchés émergents (tant en actions qu’en obligations) reste elle aussi modérée, malgré les opportunités que ces marchés offrent à long terme. 

Le mot de la fin

Les incertitudes que font peser des événements comme Evergrande attirent une fois de plus l'attention sur la nécessaire diversification des portefeuilles. C’est dans ce cadre que nous avons des positions en dollars américains et dans d’autres devises refuge comme le yen japonais ou le franc suisse. Les bons du Trésor américain font également partie des solutions de diversification au sein des portefeuilles.
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