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Le combat mené par les banques centrales contre l’inflation

Jérôme van der Bruggen - Chief Investment Officer
Malgré l’inflation et les taux d’intérêt en hausse, et une croissance à la baisse, voici les différents facteurs qui selon nous permettront d’éviter un scénario de récession.

Lors de notre précédente conversation, nous avons passé en revue différents scénarios concernant la guerre en Ukraine. Que pensez-vous des derniers développements ?

La situation devient intenable pour les deux parties et nous continuer de penser qu’un accord négocié est possible assez vite. Peut-être le 9 mai, date qui marque la célébration de la capitulation de l’Allemagne nazie en 1945 par les Russes.

Examinons la situation macroéconomique. La comparaison avec la Stagflation des années 70 est souvent faite. Êtes-vous d'accord ?

Nous voyons deux grandes différences :
1.
Les prévisions d'inflation à long terme (tant des consommateurs que des marchés financiers) sont ancrées à des niveaux bas, autour des 3 %. Dans les années 1970 et au début des années 1980, c’était tout le contraire : l'enquête Blue Chip de 1980 prévoyait une inflation annuelle de 8 % pour la décennie suivante. Les banques centrales sont beaucoup plus crédibles. C’est une des raisons pour laquelle la Fed a fait du combat contre l’inflation son cheval de bataille cette année. Le marché s’attend à ce qu’elle augmente les taux directeurs jusqu’à 2,5 % en 2022 et jusqu’à peu près 3,5 % en 2023. Elle a été assez vite disposée à réagir, alors que dans les années 1960 et 1970, elle a beaucoup trainé.
2.
Ce faisant, la Fed va tenter d’orchestrer un atterrissage en douceur, c’est-à-dire freiner l’inflation sans pour autant casser la croissance au point que l’économie atterrisse en récession et que le taux de chômage explose. En agissant aussi tôt dans le cycle, à un moment où la croissance est très forte, elle devrait pouvoir y arriver. Lors du combat contre l’inflation de la fin des années 1970, c’est tout le contraire qui est arrivé. Lorsque Paul Volcker – le banquier qui a finalement dompté l’inflation - est entré en fonction, il a dû augmenter les taux d’intérêt si violemment que le taux de chômage a explosé.

Il ne s’agit donc pas d’une répétition des années 70. Cela signifie-t-il que vous êtes assez détendu quant à l'impact économique ?

Il y a beaucoup de vents contraires :
  • La forte hausse des prix de l'énergie ainsi que les perturbations des chaînes d'approvisionnement pèsent évidemment sur l'activité économique.
  • Le pouvoir d'achat des familles baisse et les entreprises sont confrontées à des coûts de production plus élevés.
  • L'incertitude élevée pèse sur la confiance.
  • La Chine s'en tient pour l'instant à sa politique du zéro-Covid.
Néanmoins, il y a aussi des facteurs très positifs :
  • L’épargne accumulée des ménages leur donne un certain coussin de sécurité, leur permettant de ne pas réduire la consommation de façon drastique ou trop vite au premier trimestre et malgré la guerre.
  • Nous sommes une période de très forte reprise de l’investissement
  • Les outils mis en place à l’occasion de la pandémie donnent de la flexibilité budgétaire au gouvernement
  • Tant que les sanctions n’augmentent pas, l’impact n’augmente pas
Dans notre scénario de base, nous devrions être en mesure d'éviter une véritable récession.

Une croissance plus faible, une inflation plus élevée et des banques centrales qui freinent. Quelles sont les conséquences sur le portefeuille d'investissement ?

Nous avons encore élagué certaines positions et pris des bénéfices dans les portefeuilles dans le rebond du mois de mars. Nous sommes prudents et disciplinés dans cet environnement où les taux d’intérêt augmentent et où la croissance ralentit.

Cependant, nous restons résolument investis en bourse. Le résultat de ces élagages successifs est que nous avons moins d’actions qu’en début d’année ; mais nos poids en actions restent conséquents. Deux raisons à cela :
1.
L’objectif de la Fed est de freiner l’économie, sans doute en particulier la demande de produits de consommation discrétionnaire, sans la briser totalement. D’après nous, son action s’opèrera alors que d’autres facteurs contribueront conjointement à freiner la progression de l’inflation (fin du choc énergétique, amélioration des chaines de valeur). La croissance économique va donc sans doute ralentir mais devrait selon nous rester résiliente à travers cette période… et les bénéfices des entreprises devraient s’en sortir sans trop de casse. Nous ne sommes pas dans un scénario de choc économique impactant les bénéfices comme en 2008 (à l’occasion de la grande financière) ou en 2020 (la pandémie). Nous parlons d’un ou deux trimestres difficiles, le temps que l’inflation soit sous contrôle.
2.
Les dépenses d’investissement des entreprises ne seront sans doute pas arrêtées, tout au plus seront-elles interrompues temporairement, par la poussée inflationniste. Mc Kinsey, dans un rapport récent, table sur un montant total de dépenses de USD 130 TRI pour les 5 prochaines années, soit 60 % de plus que sur la période précédente. Ces dépenses, qui seront accompagnées par les grands plans d’infrastructure des Etats, sont nécessaires pour accélérer la transition énergétique.
La vision de notre expert vous intéresse ? Découvrez également notre vidéo précédente sur l'impact économique et géopolitique du conflit en Ukraine.
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